Actualité économique et financière

Des députés s’inquiètent de la montée de Thales au capital de DCNS

Patricia Adam et Bernard Cazeneuve, députés du Finistère et de la Manche, mais aussi vice-présidente et secrétaire de la commission de la Défense de l’Assemblée nationale, ont fait part de leur inquiétude suite à l’annonce d’un accord en vue d’une prise de participation de Thales dans Nexter (entre 15 et 30%) et la montée de l’électronicien dans le capital de DCNS (de 25 à 35%). Pour les deux parlementaires socialistes, ces opérations « relativisent un peu plus la place de l’Etat dans le secteur stratégique de l’armement. (Elles) engage(nt) l’avenir industriel du pays et celui de milliers d’emplois. Une mauvaise restructuration du secteur pourrait gravement contraindre la capacité de l’Etat à équiper les armées dans le plein exercice de sa souveraineté ».
Patricia Adam et Bernard Cazeneuve exigent « toute la transparence sur les raisons qui ont conduit l’Etat à favoriser cette opération ». Se disant « très inquiets des conséquences sociales », ils réclament notamment de connaitre les garanties proposées aux 4000 ouvriers d’Etat qui travaillent chez DCNS.

Quelles orientations stratégiques ?

Les députés veulent également connaître les orientations et le but stratégique poursuivis par l’Etat et ses coactionnaires concernant l’avenir des deux groupes de défense. « Rien ne permet d’affirmer que de nouveaux projets industriels naîtront de ces rapprochements. Nous ne savons pas davantage si Thales en vertu de ses nouveaux droits de gouvernance participera au développement des activités civiles de DCNS. Il n’est pas certain, contrairement à ce qu’affirme le ministre de la défense, que le rapprochement opéré par Thales avec DCNS et Nexter participe d’une quelconque stratégie de consolidation de l’industrie de défense au niveau européen. Thales n’a pas à ce jour annoncé de projet industriel allant dans ce sens. Ses deux principaux actionnaires, Dassault et l’Etat (respectivement 25.89% et 27%, ndlr), n’ont pas davantage précisé la vision européenne qui animerait la politique industrielle suivie par la France depuis 2007 », estiment Patricia Adam et Bernard Cazeneuve, qui s’interrogent également sur le rôle de Dassault dans la restructuration de l’industrie française de défense.

Mer & Marine 03/01/2012

 

L’avenir de DCNS dans les mains de Thales et Dassault Aviation

La montée de l’électronicien dans le capital du groupe naval pourrait peser sur la stratégie de ce dernier, qui empile les succès à l’export.

 

Thales, qui a décidé d’exercer son option pour passer de 25 à 35 % dans le capital de DCNS, va pouvoir peser sur sa stratégie. Un évènement d’autant plus important que l’électronicien a pour actionnaire de référence, Dassault Aviation. Ce qui n’était pas le cas lorsque cette opération entre Thales et DCNS a été imaginée. Elle pose aujourd’hui trois questions cruciales pour l’avenir du constructeur naval.

 

1. Exportation.

Champion français de l’export dans le domaine de la défense ces dernières années (Brésil, Inde, Russie, Malaisie…), DCNS, dont le carnet de commandes s’élève à 15 milliards d’euros, a été souvent en concurrence indirecte avec Dassault Aviation dans certains pays, désireux d’équiper à la fois leur marine et leur armée de l’air. Comme il y a très peu de chances pour qu’un pays prenne deux fois du matériel français tant ces contrats sont politiques, les deux groupes se font une concurrence pour que les autorités françaises privilégient une offre plutôt qu’une autre. Cela a été récemment le cas en Grèce – avant la crise – où les frégates multimissions Fremm étaient en concurrence avec le Rafale. « Au Brésil, y aurait-il aujourd’hui une offre de sous-marins par DCNS », s’interroge-t-on au sein du constructeur naval. Enfin, les crédits budgétaires d’un pays pour la défense se font rares pour pouvoir s’offrir plusieurs matériels militaires aussi sophistiqués.

 

2. Les systèmes de combat.

Entre Thales et DCNS, la concurrence est féroce dans la vente des systèmes de combat naval (CMS ou Combat management systems) comme en témoigne la lutte à mort à laquelle se sont livrés les deux groupes en Malaisie (Setis contre Tacticos). Mais cela pourrait aller au-delà. Car Thales et Dassault Aviation pourraient rassembler toutes leurs activités électroniques avec celles de DCNS et constituer un pôle de taille mondiale. Ce qui reléguerait ainsi DCNS en tant que simple plate-formiste. Et le groupe naval ne pourrait plus présenter avec succès des offres intégrées et optimisées à tous ses clients.

 

3. Trésorerie.

Certains, chez DCNS, s’interrogent sur l’avenir de la trésorerie de plus de 2 milliards d’euros du groupe naval, dont une grande partie est générée par les avances clients. Si Thales montait au-delà de 50 % comme le souhaite le PDG de Dassault Aviation, l’électronicien « pourrait souhaiter remonter les fonds disponibles chez DCNS et améliorer la présentation de ses comptes », craint-on. Ce qui pourrait alors empêcher le groupe de financer son développement et sa diversification dans les énergies renouvelables.

La Tribune – Michel Cabirol – 23/12/2011, 11:16